Trêve de plaisanterie. Bella, femme frêle et fragile tout du moins en apparence, car détrompez-vous, une femme de quel que physique qu'elle ait, n'est pas fragile, une femme devenue agneau, si elle le décide peux passer de l'autre côté. Devenir bourreau. Bella, n'en peux plus des autres, n'en peut plus de souffrir, n'en peut plus d'être l'agneau. Bella en a marre d'être mal regardé, d'être agressé et d'être prise pour une faible. Bella veut passer de l'autre côté. Bella va passer de l'autre côté. Bella n'a pas d'autres choix que de passer de l'autre côté. Les Bella passent de l'autre côté. Une fois le pas franchi, elles ne peuvent plus faire marche arrière, il y a trop de bourreaux à transformer en agneau.
« Ce que Bella désire, c'est ce qu'elle ne peut avoir. Ce qu'elle désire, ce sont des fenêtres ouvertes les nuits d'été. Des promenades solitaires au bord de l'eau. Sans la crainte de la panne sur l'autoroute. Sans la peur du noir. Sans la terreur des bandes. Sans réflexions dans les rues. Sans attouchements furtifs dans le métro. Ne plus être obligée de flatter leur égo par peur du poing en pleine figure, du nez cassé, du sang et de la morve qui coulent de sa bouche. Bella est née libre et partout elle est enchaînée. »
Dirty week-end nous dévoile le week-end où Bella a décidé de ne plus se laisser faire, où elle a décidé de ne peux plus avoir peur et où elle est devenue malgré elle, serial killer. Car être Bella, c'est ne plus pouvoir dormir la nuit, ne pas pouvoir sortir la nuit, c'est de toujours passer pour l'agneau faible qui ne dira rien, ne fera rien si son chemin croise un bourreau. Et une femme ne peut pas vivre comme Bella, Bella ne peut plus vivre comme Bella.
Ce livre est époustouflant. Tant par la force du récit et que par la plume de l'autrice. Les mots se suivent et se ressemblent, mais les phrases se suivent et ne se ressemblent pas en leur sens. Helen Zahavi répète souvent les mêmes mots, mais les emplois dans un ordre différent qui change hautement le sens des phrases. Comme si l'autrice avait cherché à employer au mieux chaque mot pour que le lecteur puisse se rendre compte de la difficulté et de l’atrocité de la situation de Bella et de la complexité des psychologies.
La façon dont est construit le récit le rend d'une force extrême et permet de décrire remarquablement les réflexions de Bella et des autres personnages tous masculins. Ce livre est extrémiste dans sa façon de décrire les événements et dans la dureté des actes commis par tous les personnages, mais est avant tout un livre ultra féministe. Seul des hommes sont contre elle et Bella est donc seule contre ces hommes. Une femme seule contre les hommes dépravés.
« _ Les hommes me font peur. […] Leur appétit me fait peur. Leur façon de me regarder me fait peur. Ce que je lis dans leurs yeux me fait peur. _ Et qu’y lisez-vous ? _ Ce qu’ils désirent, ils doivent le posséder. Ce qu’ils ne peuvent pas posséder, ils doivent le pénétrer. Ce qu’ils ne peuvent pas pénétrer, ils doivent le détruire. »
Et si les actes de Bella sont affreux, ils ne sont pas faits sans raison, les actes commis envers elle le sont aussi. C'est soit elle, soit les hommes. Les bourreaux deviennent alors agneaux et l'agneau bourreau. Quel homme bourreau pourrait croire cela, une femme faible qui prend le dessus. Tous les rôles sont changés bien que la limite entre les deux est très fine. À chaque début de crime, on ne connaît jamais la distribution finale des rôles, tout peut basculer à tout moment, ce qui tient en haleine le lecteur à chaque acte.
« Il redoute ses sarcasmes. Elle redoute sa fureur. Elle pourrait se moquer de lui. Il pourrait la tuer. »
Bella est comme une mise en garde, il ne faut pas commettre de crime, cela peut se retourner contre vous, il ne faut pas se croire plus fort qu'autrui.
« Si vous voyez une femme marcher, si elle rentre tranquillement chez elle, si vous la voyez passer sans bruit devant vous sur le trottoir. Si vous avez envie de briser ses os fragiles, si vous avez envie d'entendre ses supplications désespérées, si vous avez envie de sentir la peau rose se contusionner, et si vous avez envie de goûter la peau tendue qui saigne. Si, en la voyant, vous avez envie d'elle. Réfléchissez. Ne la touchez pas. Laissez-la poursuivre son chemin. Ne plaquez pas votre main sur sa bouche et ne la jetez pas à terre. Car sans le savoir, sans réfléchir, sans le vouloir, vous aurez peut-être posé votre grosse main sur Bella. »
Autres les rôles de bourreau et de l'agneau. Un troisième rôle est décrit, le spectateur. Le spectateur qui est en la majorité de la population, qui ne lèvera jamais le bout du doigt, mais qui se permettra d'apporter un jugement, de cautionner des actes inhumains, de défendre l'agneau devenu bourreau. Cette dernière catégorie à laquelle appartient en quelque sorte le lecteur, est peut-être la plus perverse. Observer sans agir. Être en capacité de lire un livre comme celui-ci jusqu'au bout nous montre-t-il pas l'extrême horreur de l'être humain ?
« Pour la plupart des gens, dit-il, le monde se divise entre meurtriers, victimes et spectateurs. Si on leur donne le choix, ils peuvent choisir d'être spectateur. Ils peuvent rester sur la ligne de touche pour applaudir ou huer. Ils peuvent prononcer de jolis jugements moraux, condamner le criminel et louer le vertueux. Ils peuvent garder les mains parfaitement propres et leurs pensées parfaitement pures, car ils ne risquent rien, et ils ne perdront rien. »
Je peux malheureusement comprendre pourquoi ce livre a été retiré par la Chambre des Lords bien que je ne sois pas d’accord, les actes commis sont extrêmement détaillés, et la folie des personnages aussi ce qui fait presque peur. Il soulève aussi beaucoup d'interrogations sur la société et la hiérarchie des genres. Dirty week-end bouscule et est marquant. C'est un livre difficile, la cruauté et la noirceur est dans chaque mot, donc si vous êtes sensible, attention à vous.