Akhila partage pendant une nuit longue et paisible le compartiment avec 5 autres femmes. Dès le début du voyage, Akhila qui s’est toujours tue, et effacée face à sa famille, va oser poser la question, celle à l’origine de sa présence dans ce train. « Une femme a-t-elle vraiment besoin d’un homme pour être heureuse et épanouie ? ». Cette question libérera la parole dans le compartiment. Tour à tour, ces 5 femmes, d’âges différents vont apporter leur avis sur la question en contant leur vie, les épisodes marquants qui leur ont permis d’avancer ou reculer dans la société indienne. 5 femmes, 5 histoires. Et Akhila, qui va trouver sa réponse en ces femmes. Et ces femmes qui vont trouver malgré elles des réponses à leurs vies.
« Et moi qui croyais être la seule à essayer de définir les contours de mon existence ! Elles ont tout autant besoin que moi de justifier leurs échecs. C’est en explorant la texture de la vie des autres, en cherchant des ressemblances, susceptibles de connecter nos vies entre elles, que nous essayons de nous libérer d’un sentiment de culpabilité à l’égard de ce que nous sommes et de ce que nous sommes devenues. »
Les vies exposées m’ont touchée. Particulièrement, hors Akhila, celle de Margaret, Prabha Devi, et Marikolanthu. Ces femmes vivent un combat quotidien pour exister comme une personne à part entière et ne pas être le prolongement de l’homme avec lequel elles sont mariées ou de ses frères. Parfois, elles ont baissé les bras, d’autres se battent dans l’ombre pour cultiver leur jardin secret, certaines sont apaisée, d’autres sont encore en révolte. Mais toutes ont vécu les mêmes injustices, toutes ont été à un moment réduites à leur condition de femme. Toutes ont entendu des ignominies sous différentes formes. Une femme doit être une bonne épouse. Être une femme, c’est accepter de ne pas choisir, de ne pas avoir d’idée ni sentiment, et de se taire.
Toutes les femmes sont dans ce compartiment sur un pied d’égalité, on ne sait pas grands choses d’elles, pas leur religion, pas leur âge précisément, ni leur classe sociale. Ce qui permet encore plus de se rapprocher d’elles. Toutes sont différentes, toutes ont la soif d’indépendance, mais toutes n’ont pas la même façon de la concevoir. Apprendre à connaître ses femmes a été pour moi source d’inspiration. Je suis admirative de la force qu’elles ont appris à développer.
« Je ne dis pas que les femmes sont faibles. Au contraire, elles sont fortes. Elles peuvent tout faire aussi bien que les hommes. Elles peuvent en faire davantage. Mais c’est en elle qu’une femme doit chercher cette réserve de force. Elle ne se manifeste pas naturellement. »
Aujourd’hui, comme le précise la note en début de livre les choses évoluent dans ce pays. Les compartiments pour dames ont disparu, et les guichets aux gares réservés aux femmes, enfants et handicapés également. Je ne sais pas ce qui en est des mentalités, mais à en juger par celles que l’on retrouve parfois encore aujourd’hui en Europe, je pense que le chemin est encore long mais non impossible comme nous le prouve Akhila.
Je vous conseille de lire ce livre, de l’offrir à toutes les femmes, celles épanouies, celles qui se cherchent et celle qui sont en devenir. Ce livre parle des femmes indiennes, mais les mots sont tellement forts qu’ils peuvent aller bien au-delà des frontières. Les mots d’Anita Nair peuvent toucher chaque femme de ce monde. Par contre, certains passages sont très forts par le fait des sujets évoqués tel que l’avortement ou le viol. Je connaissais la condition des femmes en Inde, mais le lire m’a révolté, et m’a donné l’envie de me battre pour mes droits, pour l’égalité des genres dans le monde.
La fin de ce roman est ouverte. D’habitude, ce genre de fin m’apporte une frustration. J’aime connaître la suite pour les personnages avec lesquels j’ai partagé leur pensés, qui est pour moi la chose la plus intime qu’il puisse y avoir. Cette fois-ci, cette fin m’a procuré une sérénité et un apaisement absolu. Je ne peux que penser à une suite positive pour Akhila et les autres femmes rencontrées pendant son voyage.
Je vous souhaite de trouver votre force et d’« [apprendre] à nager dans le sens du courant de la vie, plutôt que de rester sur la berge ».